Cette Journée du 11 février est
la journée internationale des femmes et des filles de science. Celle-ci
rappelle que les femmes jouent
un rôle essentiel dans les communautés scientifiques et technologiques.
Sous les latitudes australes, le
plus fort de la campagne scientifique estivale de Kerguelen regroupant 31
scientifiques et chercheurs/chercheuses touche à sa fin. Cette campagne était
composée de 15 femmes scientifiques dont les domaines d’expertise étaient
extrêmement variés : botanique, ornithologie, écologie, chimie, etc. En
cette journée particulière, nous vous présentons leurs
portraits et ceux des femmes de la Réserve naturelle.
Les Ornithologues
Solenne
Solenne est à Kerguelen dans le
cadre des programmes de recherche ETHOTAAF du CEFE de Montpellier, et ANTAVIA
de l’IPHC de Strasbourg, qui étudient l’écologie comportementale des oiseaux
marins, et plus particulièrement des Manchots royaux, Skua brun et le Petit
chionis. Ses recherches portent sur la cognition des skuas et chionis, qu’elle
teste par des expériences comportementales sur des individus sauvages et
volontaires. L’autre partie de son travail sur place porte sur le suivi de la
colonie de Manchot royal de Ratmanoff qui vise à évaluer l’état de santé de la
colonie année après année.
Convaincue que la place des femmes
scientifiques est nécessaire et encore sous représentée (30% de femmes
seulement dans le milieu scientifique, statistique UNESCO 2018), elle espère
que cette journée est « l’occasion de mettre en avant les
difficultés rencontrées liées à notre genre dans le milieu scientifique. […] En
cette journée spéciale, j’ai une pensée de sororité pour les premières
scientifiques venues paver le chemin des femmes dans les TAAF, il y a seulement
29 ans ! »
Marie
Marie a un parcours en écologie et
plus spécifiquement en ornithologie. C’est d’ailleurs ce qui l’a poussée à
postuler en tant que volontaire de service civique en Terres Australes et Antarctiques
Françaises pour travailler en tant qu’ornithologue, avec cette envie de
découvrir un environnement complètement différent et des espèces qu’on ne
rencontre qu’ici.
Elle travaille pour le CNRS de
Chizé qui réalise de nombreux suivis scientifiques pour étudier le changement
climatique au travers de l’étude des populations d’oiseaux et de mammifères
marins. Son poste à Kerguelen est principalement un travail de technicien de
terrain pour assurer la continuité des suivis démographiques de populations
d’oiseaux marins et de pinnipèdes. Pour cela, elle réalise des dénombrements de
populations mais également du baguage d’individus ou encore de la pose de GPS.
Ces suivis nécessitent des déplacements fréquents sur le terrain.
Yonina
“My
name is Yonina and I started working on small seabirds in Australia as part of
my Honours research degree. I was fascinated by the work, the species and how
the data we collect can fill in the knowledge gaps existing for the marine
environment. We know that small seabirds are vulnerable to climate variation
and that the techniques used to measure small seabird populations are limited,
therefore, I started a PhD focused towards finding a more reliable way of
keeping track of the population size of an abundant small seabird species, the
Common diving petrel (Pelecanoides urinatrix). I came to Kerguelen to
gather more data for my project where I aim to measure the density of breeding
populations through acoustic monitoring and to use biologging to understand more
about their foraging ecology during the breeding season.”
Les Naturalistes
Camille
Dès l’enfance, la nature et ses
habitants l’ont fascinée. Ce rêve d’un jour étudier et comprendre les animaux,
les plantes et leurs interactions s’est réalisé et voilà qu’après des études
mêlant géologie, biologie et écologie à l’université Pierre et Marie Curie puis
au Muséum national d’Histoire naturelle, Camille est parti réaliser un
hivernage à Kerguelen.
Dans le cadre du programme 136
Subanteco elle arpente l’archipel afin de collecter nombre de données de
terrain sur les plantes et invertébrés natifs et introduits. Chaque année deux
hivernants réalisent des protocoles de suivi de long terme tels que le
suivi de la disparition du carabique introduit Merizodus soledadinus et d’autres expériences plus ponctuelles en
collaboration avec des équipes de recherche du monde entier. L’hivernage et sa
durée de 13 mois permettent une fine compréhension des écosystèmes de l’île.
« Cette expérience riche en
rencontres et apprentissages présente également son lot d’épreuves, heureusement
la dynamique du groupe et en particulier l’esprit de bienveillance qui règne
entre les femmes de la base permet de faire de ce moment un souvenir
formidable. Cette journée nous permet de nous rappeler qu’il y a peu les femmes
étaient exclues de ces territoires austraux, et étaient peu présentes dans la
science de manière générale. Les choses évoluent, faisons en sorte de continuer
ce chemin vers l’égalité des genres. »
Constance
Constance effectue une thèse
co-dirigée par l’Université de Rennes et le Muséum d’Histoire Naturelle de
Paris sur les dynamiques et rôle des microbiomes dans la réponse adaptative des
plantes endémiques des Kerguelen au changement climatique. Les îles Kerguelen,
dû notamment à leur isolement géographique, n’abritent que 22 espèces de
plantes à graines endémiques contre 70 espèces introduites. Tout comme les
plantes, leurs microbiomes (ensemble des bactéries, archées et champignons
associés) seraient bien moins diversifiés qu’en métropole et seraient
grandement affectés aux extrêmes climatiques. L’étude taxonomique et
fonctionnelle de ces microbiomes permettra de mettre en lumière les processus
d’adaptation des plantes au changement climatique, particulièrement marqué aux
îles Kerguelen.
La campagne d’été OP4 2022 – OP1
2023 est ainsi l’occasion de réaliser les premiers échantillonnages de plantes
(parties aérienne et racinaire), de graines et de sols selon des gradients
d’exposition sur l’île Australia, la Presqu’Île Jeanne d’Arc et le val Studer.
Françoise
Françoise est directrice de
recherche au sein de l’Institut d’Ecologie et d’Environnement du Centre
National de la Recherche Scientifique et réalise ses recherches dans le
laboratoire d’écologie de Rennes en Bretagne (ECOBIO UMR 6553 CNRS) qu’elle a
eu l’honneur de diriger pendant huit ans.
Ses recherches s’inscrivent à
l’interface agriculture-environnement-santé et s’intéressent aux effets des
pressions anthropiques sur la vie des sols et aux nouveaux défis posés par les
transitions écologiques et énergétiques en cours dans l’agriculture. Elle
étudie la biodiversité du sol et les interactions et les mécanismes biotiques
du sol incluant les microbiomes, qui
soutiennent les processus écosystémiques (décomposition des matières
organiques, dégradation des polluants,
stockage – déstockage du Carbone,
émissions de gaz et bioaérosols
vers l’atmosphère) afin d’évaluer la contribution de la biodiversité des sols
dans la stabilité et la résilience des écosystèmes.
Dans
les Terres Australes et Antarctiques Françaises au sein de l’archipel des
Kerguelen, contrées éloignées de toute pression agricole, ses recherches
financées par l’IPEV cherchent à évaluer le degré de stabilité des microbiomes
des sols associés aux plantes endémiques face aux changements climatiques et
globaux en cours.
Les domaines d’application de ses
recherches concernent la conservation
de la biodiversité des sols, l’évaluation
des risques d’écotoxicité
liés aux intrants en agriculture, le diagnostic environnemental, la valorisation des déchets organiques et la qualité de l’air.
Ella
Ella est une
doctorante de l'Université Rennes 1 étudiant les effets des espèces de plantes
et d'insectes invasifs des régions polaires. A Kerguelen, son travail porte sur
les conséquences des plantes invasives sur les caractéristiques des plantes
natives avec pour but de mieux comprendre la façon dont les espèces invasives
affectent les environnements terrestres subantarctiques. Elle a pu travailler
en partenariat avec deux botanistes de la réserve naturelle pour collecter des
échantillons de plantes natives et invasives provenant à la fois des terres et
des îles de l'archipel.
Françoise
« Chercheure au CNRS en
écologie et écophysiologie végétales depuis 1995, j’ai eu l’opportunité pour ma
thèse de partir étudier les plantes encore peu connues des îles Kerguelen dans
l’Océan Indien austral, îles uniquement accessibles par une grande traversée
océanique. Travaillant initialement sur les caractères systématiques et
biologiques de ces espèces, j’ai développé ensuite au CNRS des recherches sur
les capacités d’adaptation physiologique de quelques modèles au changement
climatique rapide, puis comparé les réponses de différentes espèces et lignées
de plantes. Tous ces travaux ont eu lieu dans le cadre de projets de recherche
auxquels j’ai participé ou que j’ai menés, et soutenus par l’Institut polaire
français Paul-Emile Victor. Ils impliquent des missions longues dans les Terres
Australes françaises et je viens d’achever ma dixième mission. Mon projet
actuel, IPEV 1116 PlantADAPT en collaboration avec des microbiologistes, est
centré sur la plante non plus seule mais avec son cortège de microorganismes,
la « plante holobionte », et aborde la question du rôle de ces
communautés microbiennes, autour des racines dans le sol et sur les parties
aériennes, dans l’adaptation des plantes au changement climatique et
environnemental rapide : réchauffement, assèchement, et dépôts de gaz
atmosphériques pouvant entraîner une augmentation de l’azote contenu dans le
sol. Mes travaux m’amènent à des collaborations internationales avec des pays
de l’hémisphère sud travaillant sur la flore d’îles subantarctiques proches des
îles françaises : la Nouvelle-Zélande, l’Australie, l’Afrique du Sud. »
La science de la terre
Ingrid & Audrey
Ingrid (écologiste microbienne) et Audrey (chimiste) participent à
l’expédition BINGO pour échantillonner les lacs de Kerguelen et réaliser des
expériences sur les bactéries marines dans les laboratoires de Port aux
Français.
Les eaux de fontes des glaciers de Kerguelen représentent une source
potentielle d’éléments nutritifs pour les microorganismes marins qui sont à la
base des réseaux trophiques menant aux mammifères et aux oiseaux marins. C’est
le cas notamment du fer qui est à l’origine de la richesse des eaux en plancton
sur le plateau de Kerguelen. Les projections climatiques prédisent une
disparition quasi complète de la calotte Cook à la fin siècle. L’expédition BINGO vise à acquérir les
connaissances essentielles et manquantes pour comprendre et prédire quel est
l’impact de cette fonte actuellement et, à plus long terme, quel est l’impact
du tarissement de cette source de nutriments pour les écosystèmes marins de la
Réserve Naturelle.
Les mammifères marins
Tiphaine, Lola & Mathilde
Tiphaine, Mathilde et Lola,
formidable équipe ‘Otaries’, étudient le comportement, la biologie et
l’écologie des otaries à fourrures Antarctiques en mer et à terre – entre
autres – sur plusieurs sites de Kerguelen. Tiphaine est spécialiste des
pinnipèdes (phoques et otaries), et encadre les deux projets de Mathilde et
Lola.
Le projet de Mathilde vise à mieux
comprendre l'écologie des proies de l'océan Austral grâce à l'étude du
comportement de chasse de trois espèces de prédateurs plongeurs : l'otarie à fourrure
Antarctique, l'éléphant de mer du Sud et le manchot royal. L’objectif du projet
à Kerguelen était donc de déployer des nouvelles balises sur les otaries à
fourrure et les manchots royaux afin d’enregistrer des informations inédites à
la fois sur le comportement de chasse de ces prédateurs, mais aussi sur les
caractéristiques de leurs proies. Pour cela, elles ont travaillé sur les
otaries à Pointe Suzanne et sur les manchots royaux à Ratmanoff, et ont
recapturé une femelle éléphant de mer équipée d’une balise en prime !
Lola étudie le rôle des
mammifères marins dans le recyclage de nutriments indispensables au
fonctionnement des écosystèmes. L’équipe a donc regardé l’impact des colonies
d’otaries à fourrure sur le fonctionnement des réseaux trophiques terrestres et
côtiers sur deux sites à Kerguelen, à Pointe Suzanne et à Cap Noir. En effet,
en faisant une partie de leurs besoins à terre lors de leur saison de
reproduction, les otaries assurent un transfert de nutriments marins vers les
écosystèmes terrestres. En collaboration avec le programme Subanteco de
Kerguelen, elles ont donc étudié le sol, les invertébrés et la végétation
autour des colonies afin d’en savoir plus sur l’effet de l’enrichissement en
nutriments résultant de la présence des otaries durant leur saison de
reproduction.
Cette saison de terrain (6 semaines
de cabane !!) s’est soldée par un succès tant au niveau scientifique,
qu’au niveau humain pour cette équipe de choc !
Nadège & Eva-Maria
Eva-Maria, assistante de recherche
à Sea Mammal Research Unit (St Andrews, Ecosse) et Nadège, étudiante en thèse à
l'université d'Aix-Marseille, travaillent toutes les deux au sein du programme
CYCLELEPH 1201 opéré par l'IPEV. Elles équipent des éléphants de mer de
différents capteurs utilisés à des fins de recherche en physiologie, écologie
comportementale et en océanographie.
Eva-Maria étudie plus particulièrement l'oxygénation du cerveau à l'aide d'un
capteur spectroscopique dans le proche infrarouge (NIRS) non invasif. Elle
cherche à comprendre comment les éléphants de mer maintiennent leurs capacités
cérébrales durant leurs apnées qui peuvent durer jusqu'à 2 heures.
Nadège, quant à elle, étudie le comportement des éléphants de mer lors de leur
voyage dans l'océan austral pour se nourrir. Elle étudie notamment le lien
entre les conditions environnementales (température et salinité de l'eau), la
répartition verticale de différents maillons de la chaine alimentaire (le
phytoplancton, le zooplancton et les petits poissons pélagiques) et le succès
de chasse des éléphants de mer.
La Réserve Naturelle
Manon
Manon est volontaire en service
civique en tant qu’agent flore et Habitat pour la direction de l’environnement
au sein des Terres australes et antarctiques françaises.
L’objectif de ce poste est
d’alimenter la connaissance sur la flore de Kerguelen par la mise en œuvre
d’inventaires et de suivis long terme sur les communautés végétales natives et
introduites de l’île. L’analyse de ces données permet d’obtenir des éléments
sur l’évolution de la végétation que ce soit du à des phénomènes climatiques,
anthropiques ou naturels. Un gros travail de lutte contre les espèces exotiques
végétales est également mené sur le territoire par Manon au travers de
campagnes d’arrachages, d’inventaires et de suivis. Les données récoltées sont
par la suite recoupées avec les résultats de recherche des scientifiques
œuvrant sur le district afin d’alimenter les réflexions et de diriger les
actions de gestion à mettre en place par la réserve naturelle des Terres Australes
et Antarctiques Françaises.
Emilie
Emilie, ornithologue, va rester une
année complète pour suivre la reproduction des colonies d’oiseaux indigènes de
Kerguelen.
Afin de connaitre les variations du
succès reproducteur des oiseaux, certaines colonies de Manchot papou,
d’Albatros hurleur, de Cormoran de Kerguelen et de pétrels (Pétrel à menton
blanc et Pétrel de Kerguelen) sont suivis, sur les iles du Golfe et sur la
péninsule Courbet, tous les ans depuis plus d’une dizaine d’année.
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