Le programme Popeleph (IPEV / Laboratoire de Chizé)
a débuté en 2003 sur Kerguelen. Celui-ci s’est déroulé d'abord à Ratmanoff,
puis à Pointe Morne et, depuis cette année, à Rivière du Nord. Ces trois sites
se situant tous sur la péninsule Courbet.
Cette année, le programme comprend
trois axes :
1) Identification
et suivi des bonbons de la naissance au sevrage :
Les bébés éléphants de mer, appelés bonbons, sont
bagués à la naissance au niveau de la nageoire caudale pour être pesés et
mesurés le jour du sevrage (23 jours plus tard en moyenne), moment au cours
duquel la bague est retirée. Une prise de sang est également réalisée.
Comme les autres années, une centaine de bonbons ont
ainsi été suivis.
Le baguage permet de déterminer la durée précise de
lactation pour chaque petit (elle varie de 15 à 29 jours) et de détecter les
petits nouvellement sevrés parmi les autres.
Sur le site de Rivière du Nord, environ 1200 petits
naissent chaque année.
Les différences de masse au sevrage d’une année sur
l’autre nous renseignent sur la richesse en proies rencontrées par les mères.
La prise de sang (dosage isotopique du carbone)
nous renseigne sur la zone d’alimentation au sein de l’Océan austral (zone
subantarctique ou antarctique) privilégiée par la mère. De la sorte, on peut
déterminer si les variations des ressources alimentaires d’une année sur
l’autre ont lieu à une échelle globale (Océan indien sud) ou régionale
(subantarctique / antarctique). Ces variations de ressources sont liées à des
variations des conditions climatiques et océanographiques.
2) Installation de balises avec capteurs sur une vingtaine de femelles éléphants de mer :
Ces balises permettent de :
- Localiser
les animaux en mer,
- Observer
les comportements de plongée par la mesure de la pression (profondeur),
- Enregistrer
des paramètres océanographiques : température, salinité, lumière et
concentration en phytoplancton,
- Mesurer
l’accélération afin d’évaluer différents comportements de l’éléphant de mer au
cours de la plongée : tentatives de captures de proies, effort de nage, posture
de l’animal,
-
Enregistrer le rythme cardiaque de l’animal pour évaluer la dépense
énergétique au moyen d’un enregistreur implanté en sous cutané,
- Par
ailleurs cette année, des mini sonars actifs ont été déployés afin d’évaluer
les champs de particules biologiques (zooplancton, poissons, calamars…)
rencontrés par l’éléphant de mer au cours de ses plongées.
Les balises ainsi déployées vont permettre d'étudier
le comportement en mer de ces femelles entre la période de reproduction
(septembre-octobre) et la période de mue (janvier- février).
Ce programme permet à la fois d’évaluer l’écologie
en mer de ce prédateur mais aussi de collecter de très précieuses données en
mer concernant l’océan austral.
D’un point de vue écologique, il a été montré que
les deux facteurs qui affectent le plus directement la profondeur de plongée et
par conséquent l’efficacité de pêche (plus la plongée est profonde, moins elle
est efficace car l’animal limité en oxygène peut passer moins de temps dans la
période de fonds de la plongée qui correspond au temps utile de pêche) de ces
prédateurs sont :
- La
température : plus ces eaux sont chaudes plus ces animaux doivent plonger
profondément en journée,
-
L’intensité lumineuse dans la colonne d’eau qui varie en fonction de
l’éclairement qui arrive en surface mais aussi et surtout en fonction de la
quantité de phytoplancton présent. Moins il y a de phytoplancton, plus la
lumière pénètre profondément et plus les proies se situent en profondeur
(mécanisme antiprédation pour se dissimuler).
Avec les changements climatiques, d’une part
l’océan austral se réchauffe et d’autre part il y a une modification de la
distribution de la productivité de l’océan austral en termes de quantité et de
distribution de phytoplancton. Dès lors, ceci affecte les comportements de
plongée de ces animaux. Les jeunes ayant des capacités de plongée plus limitées
que les adultes (250m à 1 an contre 450/500m pour un éléphant de mer adulte en
profondeur moyenne), ils seront donc les premiers impactés.
D’un point vu océanographique, et à un niveau
international, les éléphants de mer contribuent ainsi à hauteur de 80% des
données collectées sur l’ensemble de l’océan austral et représente 99% des
données océanographiques associées à la banquise antarctique. Le suivi est
continu dans l’Océan austral depuis 2003 ce qui permet de disposer de séries à
long terme. Ce programme a été labellisé comme système national d’observation
des conditions océanographiques de l’Océan austral.
3 ) Etude comportementale des éléphants de mer à travers des tests de personnalité :
a)
Etude chez les mâles :
b) Etude
chez les femelles:
Cette étude cherche à répondre à la question
suivante : outre la taille des mâles, est-ce que leur
personnalité joue sur le
succès reproducteur ?
En effet, l’éléphant de mer est la plus grande
espèce de phoque et c’est l’espèce de
mammifère présentant le plus fort
dimorphisme sexuel (500kg pour une femelle en moyenne
et 2,5 tonnes pour un
mâle). Ce dimorphisme sexuel est associé à un système de reproduction
polygone
: un mâle s’accouplant avec plusieurs femelles, cela crée une compétition
féroce
entre les mâles pour accéder à la reproduction. En général ce sont les
mâles les plus grands et
les plus gros qui ont le meilleur succès de
reproduction.
Néanmoins cette relation entre taille des mâles et
leur succès reproducteur n’explique pas tout
et l’un des objets de cette étude
est de voir si la personnalité (tempérament) des mâles peut
contribuer à
expliquer une partie des différences de succès reproducteur. Pour cela, une
biopsie est réalisée sur chacun des mâles présents.
Cette biopsie permet de
répondre à deux questions :
- – Est-il possible d’émettre une relation entre la
qualité des mâles (taille et conditions) et leur habitat de pêche (antarctique
/ subantarctique - mesuré grâce au dosage des isotopes de carbone)?
– Quelle est la contribution de chaque
mâle dans la
reproduction ? Ceci
s’évaluera l’année prochaine (l'ensemble
du cycle de
fécondation-gestation durant
un peu plus de 11 mois) en effectuant
des tests de paternité sur
l’ensemble des
nouveau-nés produits à Rivière du Nord.
Les femelles étant fidèles
à leur site de
reproduction elles viennent se reproduire
sur la même plage
d’une année sur
l’autre. Ainsi, l’an prochain, l’ensemble
des petits nés à
Rivière du Nord seront
échantillonnés pour permettre des
analyses génétiques
afin d’identifier les pères. La quantité de petits produits par un même
mâle
sera relié à sa taille, sa condition d’engraissement et sa personnalité (ex :
niveau
d’agressivité). Pour cela, tous les mâles ont été photo-identifiés à
partir des cicatrices qu’ils
portent sur leur flanc gauche. Ils ont également
été mesurés et leur condition corporelle
estimée.
La personnalité des mâles est évaluée à partir de
différents tests comportementaux:
s’approche face à
l’animal et
à une personne qui tourne
autour de l’animal. Selon les
individus,
des différences de
réponses constantes dans le
temps sont observées :
certains mâles
sont très
placides et ne manifestent
aucune réaction alors que
d’autres peuvent
se montrer
agressifs.
Chez quelques espèces
animales, il a pu être établi
un lien entre trait de personnalité et métabolisme (dépense
énergétique). De ce
fait, une étude est conduite sur les femelles éléphants de mer où d’unepart
les traits de personnalité ont été évalués en les soumettant à différents tests
comportementaux
et leur métabolisme en mer étudié à partir des balises et
enregistreurs cardiaques déployés sur
ces femelles.
Il n’est pas possible d’étudier les femelles à
travers un test semblable à celui des mâles du fait
de leur position au sein
d’un harem, aussi le test mis en place a été d’enregistrer par vidéo la
réaction face à un objet inhabituel pour ces animaux (jouet en forme de vache
rose au bout
d’une perche). Le même individu est soumis à ce test 4 ou 5 fois
durant la période de
reproduction, afin de s’assurer de la constance de réponse
d’un individu à ce stimulus.
L’équipe est composée de Christophe,
directeur de
recherche CNRS, Manon,
vétérinaire française et Hassen, éthologue
canadien en
thèse de doctorat.
Pendant un mois et demi, ils ont vécu dans la
cabane de Rivière du Nord à manipuler ces
animaux, à les étudier et à les
compter.
Au plus fort de la saison de reproduction,
début
octobre, plus de 1100 femelles étaient
présentes sur le site, pour environ 110
mâles
dont une dizaine de pachas.
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