mercredi 7 août 2024

Pour l’amour des plantes

Voilà maintenant 1 an, presque jour pour jour, que j’ai eu une heureuse et favorable réponse à ma candidature aux TAAF en tant que Biologiste rattachée à l’Institut polaire français. Nous sommes actuellement fin juillet 2024 et j’écris ces quelques lignes depuis mon ordinateur dans la bibliothèque de Port-aux-français, Kerguelen. Il y a 1 an, je m’étais déjà projetée dans mon futur hivernage et dans les divers projets que je pourrai y mener pour occuper mon temps libre. Par amour pour les plantes et l’art, je me suis promise de réaliser, au cœur de l’hiver austral, le portrait des 21 espèces d’angiospermes natives à l’aquarelle, à la mode des naturalistes de l’époque.

Chaque espèce sera donc dépeinte de manière à ce que son identification soit facile : le détail d’une feuille, de la fleur et du fruit, ainsi que l’allure générale de la plante, reproduits le plus fidèlement possible. C’est ce que l’on nomme le dessin naturaliste.

Inspirée par le travail de mon professeur et ami Julien Norwood, illustrateur freelance ayant réalisé plusieurs œuvres pour les terres australes dont des timbres sur la flore emblématique des Kerguelen (parus en 2021) et sur les éléphants de mer (parus en 2023), j’ai donc réuni le matériel nécessaire à la concrétisation de ce projet dans mes malles, destination Kerguelen ! Pour les curieux et connaisseurs, voici de quoi il se compose : des blocs de papier aquarelle Fabriano 300 g/m² grain satin, une palette 36 godets d’aquarelle fine de chez Sennelier, un pinceau fin Raphael n°2, un pinceau plus épais Raphael n°14, un pinceau fin biseauté Raphael n°2, un crayon HB, une gomme, du scotch (pour fixer aux quatre bords le papier sur le bureau afin d’éviter qu’il bouge sous mes mains et gondole) et… un mouchoir en tissu (pour éponger le surplus d’eau déposé sur le papier) !

 

Le matériel que j’utilise pour peindre à l’aquarelle

 

 

Première étape : dessiner les éléments de la planche au crayon à papier

 

 

Rendu final après colorisation à l’aquarelle. Portrait de Limosella australis, Lisa

 

Lorsque l’on regarde mon travail, on me dit souvent que cela doit être difficile à réaliser, car le réalisme dans l’art demande du temps et de la patience à l’ouvrage. Mais cela est en réalité beaucoup plus simple qu’il n’y paraît, si tant est que l’on connaît les étapes intermédiaires et que l’on s’y attarde. Il s’agit premièrement, après avoir achevé le crayonné (réalisé à partir de photos que j’ai prises sur le terrain),


de peindre les différentes parties de la plante d’une couche pâle de peinture, sans se soucier pour le moment des détails.

 

 

 

 

On commence ainsi toujours par les couleurs les plus pâles (vert pâle par exemple pour les feuilles) puis on ajoute des couches de peinture plus foncées, au fur-et-à-mesure, pour faire apparaître les détails. Dans la nature, les contrastes de lumière mettent en valeur les nuances dans les verts, les bruns… dans chaque couleur qu’une plante peut arborer. Il est donc important de jouer avec ces nuances à l’aquarelle pour plus de réalisme.

Après avoir défini l’angle de la source de lumière imaginaire sur l’objet peint (venant du coin supérieur gauche par convention), on peut alors jouer avec les ombrages et les contrastes qui rendront du volume à la plante sur le papier.

 

 

 

Les ombres sont peintes avec des nuances plus sombres des couleurs choisies (vert foncé par exemple) et aussi avec des nuances de gris à utiliser avec parcimonie. Ma règle d’or sera toujours de progresser dans la peinture petit pas par petit pas pour voir la plante naître progressivement sous ses yeux et pouvoir ajuster à tout moment les couleurs et coups de pinceaux.

Ce que j’aime par-dessus tout avec l’aquarelle, c’est sa transparence et la facilité avec laquelle on peut rendre l’effet de lumière en retirant des pigments de la peinture précédemment déposés sur le papier. Mon habitude est ainsi la suivante : une fois les différentes parties de la plante peintes avec des nuances pour chaque couleur (d’où l’utilité d’une grande palette offrant une panoplie variée de nuances préexistantes), je viens déposer de l’eau sur les endroits de la plante que la lumière imaginaire vient éclairer. En déposant de l’eau sur le papier, les pigments sont remis en suspension et ensuite lessivés par le tissu que j’applique alors sur le papier pour les en retirer. Et ta-da ! Magie, la peinture apparaît alors plus vraie que nature. Je crois que c’est le moment que je préfère au cours du processus de création !

 

Portrait de Ranunculus pseudotrullifolius, Lisa

 

 Voici, ci-après, quelques planches terminées au cours des derniers jours :

 

Portrait de Ranunculus biternatus, Lisa

 

 

Portrait de Ranunculus moseleyi, Lisa

 


Portrait de Callitriche antarctica, Lisa

 

 

Portrait de Crassula moschata, Lisa

 


Portrait de Montia fontana, Lisa

 

 

Alors si toi aussi tu te sens l’envie de dessiner, n’hésites pas ! La vie est trop courte pour ne pas suivre ses envies. Et si tu ne sais pas par commencer, prends ton temps et suis ton instinct, car petit à petit, l’oiseau fait son nid .

 

Lisa, Ecobio, Mission 74

 

 

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