samedi 11 février 2023

11 février - Journée des femmes dans la science. Portraits de scientifiques en pleine saison estivale à Kerguelen

Cette Journée du 11 février est la journée internationale des femmes et des filles de science. Celle-ci rappelle que les femmes  jouent un rôle essentiel dans les communautés scientifiques et technologiques.

Sous les latitudes australes, le plus fort de la campagne scientifique estivale de Kerguelen regroupant 31 scientifiques et chercheurs/chercheuses touche à sa fin. Cette campagne était composée de 15 femmes scientifiques dont les domaines d’expertise étaient extrêmement variés : botanique, ornithologie, écologie, chimie, etc. En cette journée particulière, nous vous présentons leurs portraits et ceux des femmes de la Réserve naturelle.

 

 Les Ornithologues

Solenne

Solenne est à Kerguelen dans le cadre des programmes de recherche ETHOTAAF du CEFE de Montpellier, et ANTAVIA de l’IPHC de Strasbourg, qui étudient l’écologie comportementale des oiseaux marins, et plus particulièrement des Manchots royaux, Skua brun et le Petit chionis. Ses recherches portent sur la cognition des skuas et chionis, qu’elle teste par des expériences comportementales sur des individus sauvages et volontaires. L’autre partie de son travail sur place porte sur le suivi de la colonie de Manchot royal de Ratmanoff qui vise à évaluer l’état de santé de la colonie année après année.

Convaincue que la place des femmes scientifiques est nécessaire et encore sous représentée (30% de femmes seulement dans le milieu scientifique, statistique UNESCO 2018), elle espère que cette journée est  «  l’occasion de mettre en avant les difficultés rencontrées liées à notre genre dans le milieu scientifique. […]  En cette journée spéciale, j’ai une pensée de sororité pour les premières scientifiques venues paver le chemin des femmes dans les TAAF, il y a seulement 29 ans ! »
 
 
 

Marie

Marie a un parcours en écologie et plus spécifiquement en ornithologie. C’est d’ailleurs ce qui l’a poussée à postuler en tant que volontaire de service civique en Terres Australes et Antarctiques Françaises pour travailler en tant qu’ornithologue, avec cette envie de découvrir un environnement complètement différent et des espèces qu’on ne rencontre qu’ici.

Elle travaille pour le CNRS de Chizé qui réalise de nombreux suivis scientifiques pour étudier le changement climatique au travers de l’étude des populations d’oiseaux et de mammifères marins. Son poste à Kerguelen est principalement un travail de technicien de terrain pour assurer la continuité des suivis démographiques de populations d’oiseaux marins et de pinnipèdes. Pour cela, elle réalise des dénombrements de populations mais également du baguage d’individus ou encore de la pose de GPS. Ces suivis nécessitent des déplacements fréquents sur le terrain.

Yonina

 

“My name is Yonina and I started working on small seabirds in Australia as part of my Honours research degree. I was fascinated by the work, the species and how the data we collect can fill in the knowledge gaps existing for the marine environment. We know that small seabirds are vulnerable to climate variation and that the techniques used to measure small seabird populations are limited, therefore, I started a PhD focused towards finding a more reliable way of keeping track of the population size of an abundant small seabird species, the Common diving petrel (Pelecanoides urinatrix). I came to Kerguelen to gather more data for my project where I aim to measure the density of breeding populations through acoustic monitoring and to use biologging to understand more about their foraging ecology during the breeding season.”

 

 Les Naturalistes

Camille

Dès l’enfance, la nature et ses habitants l’ont fascinée. Ce rêve d’un jour étudier et comprendre les animaux, les plantes et leurs interactions s’est réalisé et voilà qu’après des études mêlant géologie, biologie et écologie à l’université Pierre et Marie Curie puis au Muséum national d’Histoire naturelle, Camille est parti réaliser un hivernage à Kerguelen.

Dans le cadre du programme 136 Subanteco elle arpente l’archipel afin de collecter nombre de données de terrain sur les plantes et invertébrés natifs et introduits. Chaque année deux hivernants réalisent des protocoles de suivi de long terme tels que le suivi de la disparition du carabique introduit Merizodus soledadinus et d’autres expériences plus ponctuelles en collaboration avec des équipes de recherche du monde entier. L’hivernage et sa durée de 13 mois permettent une fine compréhension des écosystèmes de l’île.

« Cette expérience riche en rencontres et apprentissages présente également son lot d’épreuves, heureusement la dynamique du groupe et en particulier l’esprit de bienveillance qui règne entre les femmes de la base permet de faire de ce moment un souvenir formidable. Cette journée nous permet de nous rappeler qu’il y a peu les femmes étaient exclues de ces territoires austraux, et étaient peu présentes dans la science de manière générale. Les choses évoluent, faisons en sorte de continuer ce chemin vers l’égalité des genres. »
 
 

Constance

Constance effectue une thèse co-dirigée par l’Université de Rennes et le Muséum d’Histoire Naturelle de Paris sur les dynamiques et rôle des microbiomes dans la réponse adaptative des plantes endémiques des Kerguelen au changement climatique. Les îles Kerguelen, dû notamment à leur isolement géographique, n’abritent que 22 espèces de plantes à graines endémiques contre 70 espèces introduites. Tout comme les plantes, leurs microbiomes (ensemble des bactéries, archées et champignons associés) seraient bien moins diversifiés qu’en métropole et seraient grandement affectés aux extrêmes climatiques. L’étude taxonomique et fonctionnelle de ces microbiomes permettra de mettre en lumière les processus d’adaptation des plantes au changement climatique, particulièrement marqué aux îles Kerguelen.

La campagne d’été OP4 2022 – OP1 2023 est ainsi l’occasion de réaliser les premiers échantillonnages de plantes (parties aérienne et racinaire), de graines et de sols selon des gradients d’exposition sur l’île Australia, la Presqu’ÃŽle Jeanne d’Arc et le val Studer.

 

 

 

Françoise 
 
Françoise est directrice de recherche au sein de l’Institut d’Ecologie et d’Environnement du Centre National de la Recherche Scientifique et réalise ses recherches dans le laboratoire d’écologie de Rennes en Bretagne (ECOBIO UMR 6553 CNRS) qu’elle a eu l’honneur de diriger pendant huit ans.
Ses recherches s’inscrivent à l’interface agriculture-environnement-santé et s’intéressent aux effets des pressions anthropiques sur la vie des sols et aux nouveaux défis posés par les transitions écologiques et énergétiques en cours dans l’agriculture. Elle étudie la biodiversité du sol et les interactions et les mécanismes biotiques du sol incluant les microbiomes, qui soutiennent les processus écosystémiques (décomposition des matières organiques,  dégradation des polluants, stockage – déstockage du Carbone,  émissions de  gaz et bioaérosols vers l’atmosphère) afin d’évaluer la contribution de la biodiversité des sols dans la stabilité et la résilience des écosystèmes.
Dans les Terres Australes et Antarctiques Françaises au sein de l’archipel des Kerguelen, contrées éloignées de toute pression agricole, ses recherches financées par l’IPEV cherchent à évaluer le degré de stabilité des microbiomes des sols associés aux plantes endémiques face aux changements climatiques et globaux en cours.

Les domaines d’application  de ses recherches concernent la
conservation de la biodiversité des sols, l’évaluation des risques d’écotoxicité liés aux intrants en agriculture, le diagnostic environnemental, la valorisation des déchets organiques  et  la qualité de l’air.
  

Ella

Ella est une doctorante de l'Université Rennes 1 étudiant les effets des espèces de plantes et d'insectes invasifs des régions polaires. A Kerguelen, son travail porte sur les conséquences des plantes invasives sur les caractéristiques des plantes natives avec pour but de mieux comprendre la façon dont les espèces invasives affectent les environnements terrestres subantarctiques. Elle a pu travailler en partenariat avec deux botanistes de la réserve naturelle pour collecter des échantillons de plantes natives et invasives provenant à la fois des terres et des îles de l'archipel.
 
 
 
 
Françoise
 
« Chercheure au CNRS en écologie et écophysiologie végétales depuis 1995, j’ai eu l’opportunité pour ma thèse de partir étudier les plantes encore peu connues des îles Kerguelen dans l’Océan Indien austral, îles uniquement accessibles par une grande traversée océanique. Travaillant initialement sur les caractères systématiques et biologiques de ces espèces, j’ai développé ensuite au CNRS des recherches sur les capacités d’adaptation physiologique de quelques modèles au changement climatique rapide, puis comparé les réponses de différentes espèces et lignées de plantes. Tous ces travaux ont eu lieu dans le cadre de projets de recherche auxquels j’ai participé ou que j’ai menés, et soutenus par l’Institut polaire français Paul-Emile Victor. Ils impliquent des missions longues dans les Terres Australes françaises et je viens d’achever ma dixième mission. Mon projet actuel, IPEV 1116 PlantADAPT en collaboration avec des microbiologistes, est centré sur la plante non plus seule mais avec son cortège de microorganismes, la « plante holobionte », et aborde la question du rôle de ces communautés microbiennes, autour des racines dans le sol et sur les parties aériennes, dans l’adaptation des plantes au changement climatique et environnemental rapide : réchauffement, assèchement, et dépôts de gaz atmosphériques pouvant entraîner une augmentation de l’azote contenu dans le sol. Mes travaux m’amènent à des collaborations internationales avec des pays de l’hémisphère sud travaillant sur la flore d’îles subantarctiques proches des îles françaises : la Nouvelle-Zélande, l’Australie, l’Afrique du Sud. »
 
 
La science de la terre
 

Ingrid &  Audrey

Ingrid (écologiste microbienne) et Audrey (chimiste) participent à l’expédition BINGO pour échantillonner les lacs de Kerguelen et réaliser des expériences sur les bactéries marines dans les laboratoires de Port aux Français.

 Les eaux de fontes des glaciers de Kerguelen représentent une source potentielle d’éléments nutritifs pour les microorganismes marins qui sont à la base des réseaux trophiques menant aux mammifères et aux oiseaux marins. C’est le cas notamment du fer qui est à l’origine de la richesse des eaux en plancton sur le plateau de Kerguelen. Les projections climatiques prédisent une disparition quasi complète de la calotte Cook à la fin siècle.  L’expédition BINGO vise à acquérir les connaissances essentielles et manquantes pour comprendre et prédire quel est l’impact de cette fonte actuellement et, à plus long terme, quel est l’impact du tarissement de cette source de nutriments pour les écosystèmes marins de la Réserve Naturelle.

 

Les mammifères marins

 Tiphaine, Lola & Mathilde

Tiphaine, Mathilde et Lola, formidable équipe ‘Otaries’, étudient le comportement, la biologie et l’écologie des otaries à fourrures Antarctiques en mer et à terre – entre autres – sur plusieurs sites de Kerguelen. Tiphaine est spécialiste des pinnipèdes (phoques et otaries), et encadre les deux projets de Mathilde et Lola.

Le projet de Mathilde vise à mieux comprendre l'écologie des proies de l'océan Austral grâce à l'étude du comportement de chasse de trois espèces de prédateurs plongeurs : l'otarie à fourrure Antarctique, l'éléphant de mer du Sud et le manchot royal. L’objectif du projet à Kerguelen était donc de déployer des nouvelles balises sur les otaries à fourrure et les manchots royaux afin d’enregistrer des informations inédites à la fois sur le comportement de chasse de ces prédateurs, mais aussi sur les caractéristiques de leurs proies. Pour cela, elles ont travaillé sur les otaries à Pointe Suzanne et sur les manchots royaux à Ratmanoff, et ont recapturé une femelle éléphant de mer équipée d’une balise en prime !
Lola étudie le rôle des mammifères marins dans le recyclage de nutriments indispensables au fonctionnement des écosystèmes. L’équipe a donc regardé l’impact des colonies d’otaries à fourrure sur le fonctionnement des réseaux trophiques terrestres et côtiers sur deux sites à Kerguelen, à Pointe Suzanne et à Cap Noir. En effet, en faisant une partie de leurs besoins à terre lors de leur saison de reproduction, les otaries assurent un transfert de nutriments marins vers les écosystèmes terrestres. En collaboration avec le programme Subanteco de Kerguelen, elles ont donc étudié le sol, les invertébrés et la végétation autour des colonies afin d’en savoir plus sur l’effet de l’enrichissement en nutriments résultant de la présence des otaries durant leur saison de reproduction.
Cette saison de terrain (6 semaines de cabane !!) s’est soldée par un succès tant au niveau scientifique, qu’au niveau humain pour cette équipe de choc !

 

Nadège & Eva-Maria

Eva-Maria, assistante de recherche à Sea Mammal Research Unit (St Andrews, Ecosse) et Nadège, étudiante en thèse à l'université d'Aix-Marseille, travaillent toutes les deux au sein du programme CYCLELEPH 1201 opéré par l'IPEV. Elles équipent des éléphants de mer de différents capteurs utilisés à des fins de recherche en physiologie, écologie comportementale et en océanographie.
Eva-Maria étudie plus particulièrement l'oxygénation du cerveau à l'aide d'un capteur spectroscopique dans le proche infrarouge (NIRS) non invasif. Elle cherche à comprendre comment les éléphants de mer maintiennent leurs capacités cérébrales durant leurs apnées qui peuvent durer jusqu'à 2 heures.
Nadège, quant à elle, étudie le comportement des éléphants de mer lors de leur voyage dans l'océan austral pour se nourrir. Elle étudie notamment le lien entre les conditions environnementales (température et salinité de l'eau), la répartition verticale de différents maillons de la chaine alimentaire (le phytoplancton, le zooplancton et les petits poissons pélagiques) et le succès de chasse des éléphants de mer.

 

 
La Réserve Naturelle
 
 Manon

Manon est volontaire en service civique en tant qu’agent flore et Habitat pour la direction de l’environnement au sein des Terres australes et antarctiques françaises.

 

L’objectif de ce poste est d’alimenter la connaissance sur la flore de Kerguelen par la mise en Å“uvre d’inventaires et de suivis long terme sur les communautés végétales natives et introduites de l’île. L’analyse de ces données permet d’obtenir des éléments sur l’évolution de la végétation que ce soit du à des phénomènes climatiques, anthropiques ou naturels. Un gros travail de lutte contre les espèces exotiques végétales est également mené sur le territoire par Manon au travers de campagnes d’arrachages, d’inventaires et de suivis. Les données récoltées sont par la suite recoupées avec les résultats de recherche des scientifiques Å“uvrant sur le district afin d’alimenter les réflexions et de diriger les actions de gestion à mettre en place par la réserve naturelle des Terres Australes et Antarctiques Françaises.

 

  Emilie

Emilie, ornithologue, va rester une année complète pour suivre la reproduction des colonies d’oiseaux indigènes de Kerguelen. 

Afin de connaitre les variations du succès reproducteur des oiseaux, certaines colonies de Manchot papou, d’Albatros hurleur, de Cormoran de Kerguelen et de pétrels (Pétrel à menton blanc et Pétrel de Kerguelen) sont suivis, sur les iles du Golfe et sur la péninsule Courbet, tous les ans depuis plus d’une dizaine d’année.

 

 

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