lundi 21 décembre 2015

Histoire d’un quai en Terres Australes  (Suite)

En 2015, après plus de 40 années de service, le quai avait vraiment besoin d’une cure de jouvence. C’est donc le 17 septembre 2015 qu’une équipe de techniciens débarqua à Port-au-Français, avec tout son matériel stocké dans 6 conteneurs.
L’équipe était composée de deux chefs de chantier de l’entreprise de travaux publics Merceron, de deux plongeurs d’Altlantique Scaphandre, de deux foreurs d’Armor FTS et d’un géologue représentant le bureau d’études Arcadis qui, pendant plus d’un an et demi, avait travaillé à concevoir la méthode de confortement la plus appropriée pour que le quai puisse entamer une quatrième vie.

Les travaux commencèrent quelques jours après le débarquement.
Depuis son angle Sud, le bord du quai fut déconstruit sur 33 mètres, le long de sa ligne d’accostage, et sur 5 mètres, le long de la cale servant à la mise à l’eau du Commerson (*).

Après quoi le rideau de palplanches mis en place à la fin des années 60 a été raciné, coté mer des micro-pieux ont été forés et scellés dans le rocher au pied des palplanches puis soudés à ces dernières de façon à être certain qu’ainsi rallongées elles se retrouveraient bien fondées pour assurer une parfaite stabilité du rideau, celui-ci contenant les remblais portant la dalle du quai.

La foreuse en action en train de réaliser une racine. Elle fore dans un tube en acier pré-positionné sur toute la hauteur des alluvions, cela afin d’empêcher que les sables et galets constituant le fond marin ne s’éboulent dans le forage qui doit progresser de 2 mètres dans le rocher. Ensuite, un autre tube en acier, de plus petit diamètre, sera mis en place dans le trou avant que ce dernier ne soit rempli par un coulis de ciment.
Après une deuxième phase de déconstruction, répartis sur toute la longueur déconstruite à 40 cm en arrière des palplanches, 42 micro-pieux ont été forés et scellés dans le rocher à des profondeurs variant entre 6 et 10 m sous le niveau du quai.

La deuxième phase de déconstruction a permis de mettre au jour le mur du quai de 1958, visible derrière Sébastien, Joseph conduisant le tractopelle.
Tristan, ouvrier polyvalent des TAAF, Dimitry et Pascal, foreurs, s’activent à la réalisation d’un micro-pieu.

S’en est suivie une troisième phase de déconstruction de la dalle du quai, sur une largeur de 1 mètre supplémentaire, pour permettre la mise en place d’un second rang de 21 micro-pieux, à 1,6 m en arrière des palplanches.

Vue des deux rangs de micro-pieux. Notons que le mur en béton du quai de 1958, même s’il ne se voit pas sur la photo se retrouve maintenant entre les deux rangs. La marée était haute ce jour là ; et la houle puissante.
Après avoir été raccourcis à la même hauteur, les micro-pieux ont vu leur tête équipée d’un plot de béton.
Sur ces plots ont été posés 21 éléments en béton en forme de « L » renversé, préfabriqués à la Réunion et amenés sur place en 2014. Chacun d’entre eux reposent sur trois micro-pieux, les parties verticales des « L » renversés formant finalement un mur plaqué contre les palplanches. Pour ce qui est de l’angle du quai, il fut constitué de 3 plaques de béton assemblées les unes aux autres par une sous dalle en béton.
Le travail était alors presque terminé. Il ne restait plus qu’à positionner un solide ferraillage sur la partie horizontale des éléments préfabriqués et couler une épaisse dalle de clavage pour que le quai fût opérationnel afin de permettre un déroulement nominal d’OP3.  

Les plots en béton coté mer sont bien visibles, ceux coté terre se signalant surtout par le tirant qui dépasse de chacun d’eux, ces tirants servant à la fixation des éléments préfabriqués. En arrière plan, le profil du premier élément préfabriqué apparaît nettement, l’angle du quai étant déjà formé par la pose de 2 des 3 plaques de béton elles aussi préfabriquées. Sur la photo, se devine enfin l’épaisseur de béton qui viendra claver tous les éléments tout en rétablissant le niveau du quai.
L’OP terminée, ce fut le temps des travaux de finition. Les plongeurs fixèrent les anodes servant à protéger les palplanches de la corrosion.

Julien accueille Sébastien après une plongée. Outre la fixation des anodes dans une eau à 2°C qui petit à petit au cours de la mission est passée à 4 °C, ces deux plongeurs ont recépé les racines avant de les souder au palplanches, positionnés des voiles de coffrage, guidé la pose des préfabriqués et nettoyés le fond marin en bordure de quai. Mais ils sont aussi intervenus à tous les moments du chantier, en tant que manœuvres, conducteurs d’engins, soudeurs, et menuisiers : la polyvalence même dans le parfait esprit d’entraide des missions qui se succèdent à Kerguelen.
Les bittes d’amarrage et les gaines pour les câbles électriques alimentant le nouveau marégraphe furent mises en place tandis que les fractures dans la dalle du quai étaient comblées. Alors, le chantier put être replié.

Vue générale du quai depuis l’Aventure II revenant de l’Ile Longue. Pour protéger l’angle du quai des assauts de la houle, de gros blocs de béton forment un enrochement. Les personnels des TAAF ont largement participé à la fabrication de ces blocs, de 2,5 tonnes chaque, qui se faisait au rythme de 5 par jour durant presque toute la durée du chantier.






















Pour finir, dans le but de faire un clin d’œil à l’équipe de 1958, l’équipe de 2015 s’est mise en scène.

L’équipe de 2015 pour la réfection du quai : Yassine, avec sa barre à mine en guise de bâton de berger, guide la manœuvre.
















(*) Le Commerson est le zodiac utilisé par la Réserve Naturelle pour assurer les liaisons entre PAF et toutes les îles du Golfe du Morbihan.

Alain GELY
Arcadis