Les Macrocystis pyrifera ou laminaires sont des algues géantes présentes
dans les eaux de Kerguelen à des profondeurs allant de 2.5 à 40 m de
profondeur. Cette espèce est commune
dans les eaux froides des hémisphères nord (côte ouest américaine uniquement) et
sud (Amérique du Sud, Afrique du Sud, Australie et Nouvelle-Zélande, et îles
subantarctiques) où la température de l’eau de mer reste inférieure à 20 ° C
Herbier de Macrocystis pyrifera (photo U. Martinez) |
Les crampons (ou haptères pour
les scientifiques) par lesquels ces algues brunes sont fixées au substrats
marins, rocheux en Amérique du Sud, mais plutôt sableux, de graviers ou à
galets à Kerguelen (une simple coquille de moule peut permettre à une jeune
Macrocystis de se fixer sur le fond) peuvent atteindre 1.5m de diamètre. Ces
algues forment des herbiers très denses dans les baies et fjords de l’île. D’après Delépine, la croissance de ces algues
peut atteindre 30 cm par jour pour les plus gros pieds. Ceci fait de M. pyrifera l’un des
organismes à la croissance la plus rapide sur Terre pour atteindre plus de 45 m
de long en une saison de croissance.
Forêt sous-marine formée par la laminaire géante Macrocytis pyrifera. De nombreux organismes marins dépendent de ces habitats pour vivre. (photo T. Saucede) |
Sur
les fonds favorables, les formations de Macrocystis
constituent de véritables forêts sous-marines très denses et indispensables à la
vie et au développement des nombreuses autres espèces marines. De telles algues
sont qualifiées "d'espèce ingénieur" car elles créent à elles seules des
habitats à part entière et des conditions de vie favorables aux autres espèces
marines qui ne survivraient pas sans elles (au même titre que les forêts
terrestres). Ainsi, les crampons des Macrocystis abritent les juvéniles de
nombreuses espèces (plus de 120 espèces dénombrées dans un seul crampon !). Les
longues tiges permettent aux autres algues et organismes marins de s'y fixer
pour se déployer dans la colonne d'eau et s'y nourrir, leurs frondes sont
couvertes de micro-organismes dont se nourrissent les patelles et autres
organismes brouteurs. Des travaux en cours (programme Proteker) visent
également à vérifier si les crampons n'auraient pas une action sur la chimie
des eaux favorisant le développement de certains vers marins. Le dense couvert
des frondes permet aussi à de nombreuses espèces emblématiques de s'y réfugier,
depuis les poissons "grandes gueules" et les jeunes alevins d'autres
espèces qui rejoignent ensuite le large une fois adultes, jusqu'au célèbre dauphin
de Commerson.
Enfin,
ces grandes laminaires jouent un rôle protecteur des côtes contre la houle et
des travaux scientifiques en cours suggèrent qu'elles pourraient même lutter
contre l'acidification des eaux, les eaux côtières de Kerguelen ne semblant pas
affectées par l'acidification des océans. Affaire à suivre... . En tous cas, les Macrocystis constituent les
véritables forêts de Kerguelen, un habitat naturel unique à forte valeur
patrimoniale et bien identifié comme tel dans le plan de gestion de la réserve naturelle.
Revers de la médaille, la navigation
peut être rendue difficile à cause de ces herbiers. Les algues peuvent se
prendre dans les hélices ou être aspirées dans le système de circuit de
refroidissement des moteurs. A proximité
des zones de mouillage de Port-Aux-Français, les plongeurs présents sur la base
doivent procéder régulièrement à la taille de quelques pieds de laminaires pour
la sécurité des manœuvres dans la Baie.
Matthieu et Hugo après une plongée de sécurisation des zones de mouillage |
Merci à Thomas Saucéde, chef du programme PROTEKER, pour l’apport
des éléments scientifiques mentionnés dans cet article.
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