Elaphoglossum randii et Polystichum
Mathilde et Aurélien sont des
volontaires du service civique de l’Institut Paul-Emile Victor, que l’on
appelle en jargon local des « Ecobios ». Spécialistes de la botanique et
des invertébrés, ils parcourent l’archipel à la recherche de plantes et
d’insectes qu’ils identifient ensuite au laboratoire de biologie marine de
Port-aux-Français « Biomar », avant d’envoyer les échantillons en
métropole.
Dans le cadre du programme 136
« Subanteco » et avec le Muséum National d’Histoire Naturelle de
Paris (MNHN), ils ont organisé une manip conjointe avec la Réserve Naturelle
des Terres Australes afin de tenter de retrouver une fougère aperçue en 1979
par Thierry Thomas, hivernant hydrobiologiste. Raphaële, agent de la Réserve
Naturelle et spécialiste des habitats les a accompagnés à Armor dans cette
véritable chasse au trésor.
Avec pour seuls bagages : un
descriptif du milieu et de la zone dans lequel elle fut observée, une photo et
la connaissance des autres fougères inventoriées pour les éliminer, nos trois
compères ainsi que leur manipeur Armand, le « géner » (coordinateur
logistique de l’IPEV) sont partis au bord du lac d’Armor à sa recherche.
Ils ont commencé par fouiller les abords Ouest du lac où ils devaient prélever une autre fougère,
l’ Elaphoglossum randii avant de se rendre sur la partie Est où la mystérieuse fougère semblait se trouver.
Photo: Armand Patoir |
Photo: Armand Patoir |
Heureux comme Artaban, ils s’empressent de prendre le point GPS, une description de l’habitat, et comme le nombre de pieds est important, ils se permettent également de prélever un individu en échantillon avant de retourner à la cabane, fillod de l’ancien projet piscicole.
A leur retour, la chasse continue. Car il s’agit maintenant de mitrailler la belle plante sous toutes les coutures pour envoyer les photos au MNHN et attendre la confirmation....
...et le résultat tombe : « vous l’avez trouvée : c’est bien
la fougère qui était recherchée ».
Photo: Armand Patoir |
Afin de s’assurer qu’il s’agisse bien d’une plante non connue jusqu’alors, Mathilde et Aurélien ont également prélevé un échantillon de la plante conservé au frigo dans du papier humide. Il pourra ainsi être analysé par ADN afin d’en déterminer l’espèce.
Car si l’on sait que la fougère appartient au genre : Polystichum, très présent en métropole, c’est son espèce qui déterminera s’il s’agit d’une plante endémique ou non, peut-être même pourrait-elle être stricte de Kerguelen ! Nous attendons avec fébrilité les résultats des laboratoires dans quelques mois…
En attendant, Mathilde, Aurélien
et Raphaele retourneront prospecter le site afin de connaître l’étendue de la
population au-delà de cette station.
Et lorsque je demande à Mathilde ses impressions elle répond : « nous sommes très heureux de re-découvrir une fougère non vue depuis 1979…et en plus, elle me fait penser à un sapin de noël ! ».
Joli cadeau dans ce pays sans arbre!
Et lorsque je demande à Mathilde ses impressions elle répond : « nous sommes très heureux de re-découvrir une fougère non vue depuis 1979…et en plus, elle me fait penser à un sapin de noël ! ».
Joli cadeau dans ce pays sans arbre!
Disker Tenuicornis
Photo: Armand Patoir |
Prélevé avec un aspirateur à bouche et conservé dans l’alcool il sera envoyé au laboratoire de Rennes pour identification. Il s’agit d’un coléoptère (comme les coccinelles ou les scarabées), plutôt sombre et qui mesure 2mm de long.
Photo: Armand Patoir |
Lors de cette manip, Aurélien et
Mathilde ont eu la chance de dormir dans la grotte aménagée du Puy st Théodule
face au delta de la Clarée.
Photo: Armand Patoir |
Photo: Armand Patoir |
«On se sent seul au bout du monde, c’est très émouvant ».
Photo: Armand Patoir |
Depuis cette manip, 8 autres
individus ont été prélevés sur la Presqu’ile Jeanne d’Arc.
Encore une fois, il leur faudra
s'armer de patience pour savoir s’il s’agit bien de celui qui est recherché. Tous
les charançons que l’on trouve à Kerguelen sont endémiques de Crozet et
Kerguelen. Or, celui-ci ne semble être présent qu’à Kerguelen…normal pour un
disker !
Le programme 136 Subanteco
réalise des suivis de la végétation depuis plusieurs dizaines d’années à
Kerguelen afin d’analyser les impacts des changements climatiques des espèces
introduites sur la végétation ainsi que leur capacité d’adaptation.
Merizodus et Anatalanta aptera
C’est dans le cadre de ce programme que les écobios étudient également le tristement localement célèbre mérizodus. Celui-ci a été introduit à Port-Couvreux au début du XXème siècle dans la laine des moutons importés dans la ferme crée par les frères Bossières. Depuis, il s’est répandu sur presque l’ensemble de l’archipel.
Le mérizodus a une très forte capacité d’adaptation. Le travail de Mathilde et Aurélien consiste à prélever des individus régulièrement et sur plusieurs sites afin de voir la différence phénotypique entre les espèces présentes dans le lieu historique et les nouveaux sites colonisés. En 100 ans, les nouvelles populations ont déjà évolué : une différence de taille a été démontrée par exemple.
Un des impacts de ce coléoptère est qu’il se nourrit entre autres des larves d’anatalanta aptera, une mouche sans ailes (espèce endémique de Crozet et d’Amsterdam) qui semble déjà subir de fortes pressions à cause du réchauffement climatique. L’anatalanta aptera s’est adaptée à l’environnement très venteux : au lieu de perdre son énergie à voler face au vent et n’ayant pas besoin de fuir des prédateurs presqu’inexistants, ses ailes se sont atrophiées jusqu’à disparaître. Par ailleurs, son abdomen a également grossi afin de stocker plus de graisse pour résister au froid.
Interview de Mathilde, Ecobiote :
Quel est ton parcours ?
J’ai fait un bac S puis un BTS
Gestion Protection de la Nature. Vu que j’aimais beaucoup le terrain, j’ai
continué en licence pro « analyse et
techniques d’inventaires de la biodiversité » où pendant une année
j’ai appris à mettre en place des protocoles scientifiques sur le terrain.
Après ma licence, j’ai fait un
service civique de 6 mois en ornithologie en Charentes maritime : nous
étudions le chant des mâles et le déplacement du gorge bleue à miroir dans
une roselière.
Ensuite, j’ai travaillé pendant 5
mois au CNRS à Lyon sur les invertébrés des milieux hyporéiques (entre rivière
et nappe phréatique) : je triais et identifiais les échantillons au
laboratoire.
Photo: Annabelle Djeribi |
Ensuite, j’ai travaillé un an
pour le CNRS de Marseille sur les invertébrés aquatiques : échantillonnages dans les rivières, trie et identification au laboratoire.
Après quoi j’ai fait un
volontariat dans une ferme en gardant des chèvres pendant deux mois en
bourgogne.
Et pour finir, j’ai travaillé
pendant 2 mois avec les gardes natures de la Sainte Victoire pour sensibiliser
le public aux risques incendie, les orienter sur les sentiers et les
sensibiliser à l’environnement.
Puis, j’ai postulé pour partir à
Kerguelen !
Qu’est ce qui t’a donné envie de t’orienter dans ces études et cette
voie ?
J’ai grandi
à la campagne (Bourgogne) et j’ai toujours été sensible à la nature et à sa
protection. J’ai commencé par le BTS et j’ai pris goût au terrain.
Photo: Annabelle Djeribi |
Les invertébrés : c’est très
peu connu du grand public et cela a un rôle écologique majeur. Ils sont très
nombreux et sous estimés en nombre et en importance. Il y en a qui sont
détritivores, auxiliaires d’agricultures, parasites : ils sont essentiels
dans la chaine alimentaire.
Qu’est ce qui t’a amenée à postuler pour Kerguelen ?
J’adore l’idée de faire du
volontariat : ne pas avoir un but pécunier.
Partir à l’aventure, loin de ses
proches et de ses repères pour vivre en communauté au bout du monde dans le but
de mieux connaître et mieux préserver l’environnement, constater l’impact du
réchauffement climatique.
Vivre sans téléphone, sans
internet, sans argent…Se rendre compte que l’on peut être vraiment épanoui sans
tout cela, c’est important.
Vivre avec des militaires, des réunionnais… :
nous sommes tous en communauté à apprendre les uns des autres, à partager des
expériences.
Cela fait déjà 7 mois que tu es là, est-ce que tu as trouvé ce que tu
cherchais ?
Oui carrément, et je n’ai pas vu
le temps passer ! J’ai trouvé tout ce que je cherchais : réussir à être
épanouie loin de ses repères et de ses proches, travailler au contact de la
nature, être entourée d’albatros, de manchots, de dauphins…nous sommes
privilégiés.
Que penses-tu de la situation environnementale actuelle ?
Nous devrions prendre conscience
que c’est un fait, revoir notre mode de vie. S’attaquer aux causes plutôt
qu’aux conséquences.
Que souhaites tu faire à ton retour ?
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