La 68ème mission des Terres Australes et Antarctiques Françaises de Kerguelen débarque le 20 août 2017 dans l’Archipel.
Depuis le pont du Marion Dufresne, nous avons d’abord vu une montagne à deux pics enneigés aux couleurs de levé de soleil, le Mont Ross, cratère égueulé d’un volcan éteint autrefois nommé par les baleiniers « Forked Mount », le « Mont fourchette », à cause de sa double pointe. C’est le plus haut sommet de l’île avec ses 1850m.
Puis nous avons vu le reste de l’île avec ses échancrures, et Port aux Français, notre port.
Nous avons débarqué sur la plus australe des îles françaises en hélicoptère.
1 minute de vol pour une année sur terre, sur ce navire immobile. Comme un oiseau qui se pose là, sur une branche de bois flotté.
Ce coin de terre fut découvert le 12 février 1772 par le capitaine Yves Joseph de Kerguelen de Trémarec, parti de l’ile de France le 16 janvier 1772 à bord de « La Fortune » et accompagné du navire « Le Gros Ventre » dirigé par Saint-Allouarn.
Quand à Kerguelen, il écrira dans son rapport au ministre de mars 1772 :
« Si l’on considère la latitude des terres reconnues, on ne peut s’empêcher de leur attribuer la plus douce et la plus heureuse température, ainsi que la plus grande fertilité. Tout ce que les yeux ont su reconnaître est entrecoupé de bois et de verdure, ce qui semble annoncer un pays peuplé et cultivé avec réflexion. » (…) « on y trouvera peut-être même des hommes nouveaux. Enfin, si l’on n’y trouve pas des hommes d’une espèce différente, on trouvera du moins des hommes naturels, vivants comme dans l’état primitif, sans défiance et sans remords, et ignorant les artifices des hommes civilisés. Enfin, la France australe fournira de merveilleux spectacles physiques et moraux ».
La publication de ce rapport éloquent provoque l’organisation d’une expédition scientifique. Kerguelen repart donc à bord du Roland avec l’Oiseau et la Dauphine en mars 1773, à peine quelques jours avant le retour du Gros Ventre. Il arrive dans l’archipel le 14 Décembre, mais repart presque aussitôt : le 9 janvier 1774. On ne connait pas précisément les raisons de ce départ précipité, si ce n’est que des troubles avaient du faire rage, puisque le capitaine avait secrètement emmené à son bord une jeune femme dite « Louison ». Le bateau sera de retour à Brest le 6 septembre.
Entre temps, le Gros ventre et les scientifiques ont parlé et Kerguelen se voit condamné le 15 mai 1775 à 6 ans de forteresse, une radiation de la marine et l’interdiction de publication. Pourtant, il fit d’autres expéditions et fut promut amiral. Il meurt en 1797 sans être retourné en « France australe ».
Deux ans après le dernier voyage de Kerguelen, Cook redécouvre cette île en entrant dans le golfe nommé par Kerguelen « Baie de l’oiseau » le 25 décembre 1776. Il la renomme « Christmas-Harbour ». Les deux noms ont été conservés aujourd’hui : « Baie de l’oiseau » pour l’entrée de la baie, et « Port Christmas » pour l’extrémité.
Cook meurt 3 ans plus tard, le 14 février 1779, lui aussi massacré par des indigènes des îles Hawaï. Tout comme pour Crozet, c’est à Cook que l’on doit l’hommage au découvreur du nom de l’archipel. Il écrivit dans son journal :
« Une île assez petite que, à cause de sa stérilité, j’appellerais avec justesse l’Ile de la Désolation, si je ne voulais pas enlever à M. de Kerguelen l’honneur de lui donner son nom. »
Île de la Désolation ou Île de Kerguelen ? Voici quelques extraits de visions de l’archipel tirées du livre « Les îles australes françaises » de Gracié Delépine :
Expédition Challenger, 6 Janvier 1874 en Baie de l’Oiseau :
« L’aspect de tout l’ensemble est grandiose et le contraste marqué entre la noirceur des roches et le vert-jaune brillant de la végétation qui recouvrent tous les niveaux inférieurs si caractéristiques de ces îles « antarctiques » donne par beau temps un aspect général très beau ».
E. Aubert de la Rüe, le 12 Novembre 1928 à bord du navire l’Austral à Port-Couvreux (station d’élevage de moutons) :
« A 17h, l’Austral est enfin mouillé et termine son long voyage car voici soixante-sept jours exactement que nous avons quitté le Havre. Un peu avant la nuit, le ciel se découvre enfin et j’ai devant les yeux l’un des plus beaux panoramas qui se puisse voir : toutes les hauteurs qui environnent Port-Couvreux, complètement recouvertes de neige du sommet jusqu’à la mer, apparaissent entièrement au moment où le soleil se couche, et ce spectacle fait oublier les jours terribles que nous venons de passer depuis Saint-Paul ».
En 2017, ce sont les 41 personnels de la 67 sortant de leur hivernage, comme d’un grand terrier, qui nous accueillent avec entrain à la « drop zone » en nous offrant une crêpe chaude dans un camion improvisé.
Port aux français est un village bardé de métal coloré, au bord de l’eau, sur un sol de cailloux gris.
Des lapins sautent au bord des mares, « les souilles », grandes flaques d’eau et de boue dispersées ici ou là.
En contrebas, le port. Une dalle de béton, un container un peu plus grand que d’autres qui invite au café. Il y a là un esprit de marins, une envie de manger sur les quais, un dimanche en buvant un verre de vin blanc.
La vue sur le golfe est large, les îles sont assez lointaines, le golfe du Morbihan à un goût de Bretagne.
C’est la première mission, en 1949, transportée par l’aviso Lapérouse qui eut à choisir l’emplacement et le nom de la base. En juillet 1786, Lapérouse avait donné le nom de « Port-aux-français » à un fjord en Alaska. C’est ce nom qui fut repris pour la base située entre l’Anse de l’Echouage et l’Anse des Pachas, tout à l’Est du golfe, dans la baie de l’Aurore Australe. Le choix du site est lié au souhait d’alors d’y établir une piste d’atterrissage qui ne verra finalement jamais le jour
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