vendredi 13 décembre 2019

Les algues géantes des iles Kerguelen.


Les Macrocystis pyrifera ou laminaires sont des algues géantes présentes dans les eaux de Kerguelen à des profondeurs allant de 2.5 à 40 m de profondeur.  Cette espèce est commune dans les eaux froides des hémisphères nord (côte ouest américaine uniquement) et sud (Amérique du Sud, Afrique du Sud, Australie et Nouvelle-Zélande, et îles subantarctiques) où la température de l’eau de mer reste inférieure à 20 ° C



Herbier de Macrocystis pyrifera (photo U. Martinez)

Les crampons (ou haptères pour les scientifiques) par lesquels ces algues brunes sont fixées au substrats marins, rocheux en Amérique du Sud, mais plutôt sableux, de graviers ou à galets à Kerguelen (une simple coquille de moule peut permettre à une jeune Macrocystis de se fixer sur le fond) peuvent atteindre 1.5m de diamètre. Ces algues forment des herbiers très denses dans les baies et fjords de l’île.  D’après Delépine, la croissance de ces algues peut atteindre 30 cm par jour pour les plus gros pieds.  Ceci fait de M. pyrifera l’un des organismes à la croissance la plus rapide sur Terre pour atteindre plus de 45 m de long en une saison de croissance.

Forêt sous-marine formée par la laminaire géante Macrocytis pyrifera. De nombreux organismes marins dépendent de ces habitats pour vivre. (photo T. Saucede)


Sur les fonds favorables, les formations de Macrocystis constituent de véritables forêts sous-marines très denses et indispensables à la vie et au développement des nombreuses autres espèces marines. De telles algues sont qualifiées "d'espèce ingénieur" car elles créent à elles seules des habitats à part entière et des conditions de vie favorables aux autres espèces marines qui ne survivraient pas sans elles (au même titre que les forêts terrestres). Ainsi, les crampons des Macrocystis abritent les juvéniles de nombreuses espèces (plus de 120 espèces dénombrées dans un seul crampon !). Les longues tiges permettent aux autres algues et organismes marins de s'y fixer pour se déployer dans la colonne d'eau et s'y nourrir, leurs frondes sont couvertes de micro-organismes dont se nourrissent les patelles et autres organismes brouteurs. Des travaux en cours (programme Proteker) visent également à vérifier si les crampons n'auraient pas une action sur la chimie des eaux favorisant le développement de certains vers marins. Le dense couvert des frondes permet aussi à de nombreuses espèces emblématiques de s'y réfugier, depuis les poissons "grandes gueules" et les jeunes alevins d'autres espèces qui rejoignent ensuite le large une fois adultes, jusqu'au célèbre dauphin de Commerson. 
 
Dauphins de Commerson dans les eaux du Golfe (Photo S. Defranoux)
Enfin, ces grandes laminaires jouent un rôle protecteur des côtes contre la houle et des travaux scientifiques en cours suggèrent qu'elles pourraient même lutter contre l'acidification des eaux, les eaux côtières de Kerguelen ne semblant pas affectées par l'acidification des océans. Affaire à suivre... .  En tous cas, les Macrocystis constituent les véritables forêts de Kerguelen, un habitat naturel unique à forte valeur patrimoniale et bien identifié comme tel dans le plan de gestion de la réserve naturelle. 



Revers de la médaille, la navigation peut être rendue difficile à cause de ces herbiers. Les algues peuvent se prendre dans les hélices ou être aspirées dans le système de circuit de refroidissement des moteurs.  A proximité des zones de mouillage de Port-Aux-Français, les plongeurs présents sur la base doivent procéder régulièrement à la taille de quelques pieds de laminaires pour la sécurité des manœuvres dans la Baie. 
Matthieu et Hugo après une plongée de sécurisation des zones de mouillage





Merci à Thomas Saucéde, chef du programme PROTEKER, pour l’apport des éléments scientifiques mentionnés dans cet article.


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