A bord du Marion, il y a des touristes forts sympathiques venus accompagner notre rotation, nous déposer sur nos îles, les découvrir ensemble et continuer leur route.
En les interrogeant sur leur motivation à choisir cet extraordinaire voyage, l'un d'eux, Renaud Delcourt, m'apprend qu'il a traduit l'un des livres les plus fameux de l'histoire de Kerguelen, celui de Raymond Rallier du Baty « Voyages aux Kerguelen ». Voici ce qu'il m'en dit :
« Au début des années 90, un ami, Jérôme Poncet, un des deux jeunes du « Damien », a découvert en nouvelle Zélande un livre toilé petit format de 1910 aux éditions de Londres. Il lit ce livre et est absolument transporté. Il ne comprend pas pourquoi cet auteur anglais qui évoque un territoire français n'est pas traduit.
Jérôme rapporte ce livre aux Falklands et en parle à un de ses amis, Benoit, directeur de collection « Editions maritime et d'outre mer de Ouest France ». Jérôme lui dit : « Ecoute Benoit, si tu veux faire un truc bien dans ta vie, tu publie ce truc » Ils avaient ce petit bouquin, exemplaire unique.
Ils m'appellent pour me demander si je veux bien le traduire, moi qui suis spécialiste de traductions techniques, notamment sur l'aéronautique. J'accepte. Je me suis dit : « comme ça, j'apprendrai à bien taper à la machine » : c'était le début des micro-ordinateurs. La traduction de ce livre m'a pris 4 mois. Comme mes amis, j'ai trouvé ce livre génial.
Il a été traduit chez Ouest France dans une jolie collection en 4 ou 5000 tirages. En 2012, ils l'ont réédité en livre de poche et en ont vendu 10,000.
Mon passage préféré est «la maison des allemands » : Du Baty visite cette espèce de cabane qui est un peu abimée, il sent une présence, se retourne et découvre un chien derrière la fenêtre alors qu'il se croit tout seul sur cette ile ! C'était en fait un des 50 chiens laissés par une expédition antérieure en antarctique ».
Raymond Rallier du Baty, navigateur français, est né en 1881. En 1903, après des études d'hydrographie, il part comme matelot pour une expédition au pôle Sud avec Jean-Baptiste Charcot. Dès 1908, à bord du navire baptisé « J.B. Charcot » en l'honneur de son ancien capitaine, il mouille à Port Christmas, au Nord de Kerguelen et dessine des cartes de la zone. Il y retourne en 1913 à bord de La Curieuse, initialement pour plusieurs années, mais il est alors mobilisé. Après la guerre il sera capitaine du navire « la Tanche » qui mena des expéditions techniques dans d'autres contrées. Il meurt en 1978.
C'est en baie de l'oiseau que se trouve l'Arche des Kerguelen, un rocher percé de plus de 100 mètres de haut, dont l'arche s'est effondrée vers 1910 entre les deux passages de Rallier du Baty (1908 et 1913).
Et en guise de prémisses à l'arrivée dans l'archipel, voici un extrait de la vision de Rallier du Baty en octobre 1908 longeant la baie du Morbihan :
« Plus de mille fois, j'ai vu cette côte. Dans un grain de neige ou à travers le crachin, elle avait vraiment l'air diabolique dans sa sinistre laideur, terre de désolation sauvage et dénudée qu'anges et mortels devaient fuir. Par une belle journée, avec le soleil étincelant sur les rochers, tout est différent. La beauté particulière de Kerguelen s'insinue dans les cœurs et vous prend sous son charme, avant de hanter les mémoires des marins qui s'y sont aventurés. »
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