Un gener, c’est quoi ? Un terme ancien dans la culture TAAFienne, tellement ancien que les origines du mot ne sont pas tellement connues. Pour la faire courte, c’est un volontaire de l’Institut polaire français, qui fait en sorte de coordonner les expéditions scientifiques, et de prendre soin des moyens qui leur sont mis en œuvre. Moyens, c’est au sens large. Ainsi, le gener est chargé d’entretenir les refuges dispersés aux Kerguelen. L’hiver est la saison idéale : l’activité sur base étant réduite, c’est le moment d’aller se confronter aux éléments des cinquantièmes hurlants.
Nous sommes à mi-juillet 2024. Le gener monte une expédition de cinq jours dans l’Ouest de la péninsule Courbet. L’objectif : améliorer l’aménagement intérieur de la cabane de Baie Charrier. Cette mission commence sur la base de Port-aux-Français, où il convient de réfléchir au besoin en confrontant les expériences vécues sur place avec celles des autres hivernants. Ensuite, il s’agit de pré-fabriquer des étagères qui doivent être assez solides pour durer dans l’histoire, mais légère et compactes pour pouvoir être portées sur le dos pendant trois jours de marche.
©Nicolas MONIEZ – IPEV - Cabane de Val Studer |
Premier jour : nous marchons la matinée jusqu’à la cabane du Val Studer, où nous parvenons à nous abriter tout l’après-midi d’une pluie intense et longue. L’occasion de prendre des forces avant la marche du lendemain, qui nous mène à Rivière du Nord. Dans cette cabane, ce ne sont que quelques travaux de routine réalisés : réparation de la porte, et étanchéisation des fenêtres.
©Nicolas MONIEZ – IPEV - Cabane de Rivière du Nord |
Après une belle nuit bien froide hivernale, c’est vers La cabane de Baie Charrier où nous nous dirigeons enfin, les dos chargés de planches et de matériel de bricolage. La marche commence sans préchauffage par la traversée de la rivière du Nord, presque gelée, qui nous fait perdre les sensations aux bout des orteils. Les manchots Papou et éléphants de mer nous observent depuis l’eau dans notre faible condition humaine. Nous nous mettons rapidement en marche pour redynamiser la circulation sanguine, sous une météo froide mais clémente. Peu de vent, ce qui n’est pas commun ici, aux Kerguelen.
©Nicolas MONIEZ – IPEV Transit de Rivière du Nord vers Baie Charrier, au-dessus de la rivière du Nord |
Baie charrier nous attend. C’est une petite cabane pour trois personnes, où chaque emplacement est précieux. A peine arrivé, nous nous mettons au travail pour monter et installer les étagères, et quelques autres équipements. Une belle coopération entre le gener et ses manipeurs dont l’huile de coude aura été plus que nécessaire pour mener à bien cette opération technique.
©Nicolas MONIEZ – IPEV – Installation des étagères
Après l’effort, nous pouvons apprécier l’ergonomie et la qualité du nouvel aménagement de la cabane. C’est avec une satisfaction certaine que nous avons transféré les produits culinaire basiques de type condiment du rebord de la fenêtre, vers leur nouvel emplacement pérenne, stratégiquement localisé au-dessus des brûleurs à gaz. Cette étagère à épice vient accompagner plusieurs autres nouvelles étagères, permettant le dépôt d’affaires personnelles, ainsi que du cahier de cabane, élément patrimonial important des Kerguelen, ambassadeur de l’observation du passé et de l’avenir des activités et de l’environnement de Baie Charrier.
©Nicolas MONIEZ – IPEV - Nouvelle étagère de Baie Charrier |
Fiers du devoir accompli, nous passons une belle nuit au milieu de notre forêt de vêtements qui sèchent. Au petit matin, nous enfilons nos chaussures gelées par la nuit, et entamons notre voyage retour vers la base. Deux jours sont nécessaires, en repassant par la cabane de Studer. Nous affrontons donc le col du Moseley, étape mythique des nomades de l’ouest de Courbet, dont l’accessibilité n’est jamais certaine, surtout en période de gel hivernal. La boule au ventre, nous attaquons le dénivelé, et par la réflexion et l’observation collective, trouvons le passage pour nous faire passer de l’autre côté, au sens large du terme. La météo change radicalement, et c’est sous la neige et les vents violents que le lac Margot se laisse découvrir de façon mystique.
©Nicolas MONIEZ – IPEV - Descente du col du Moseley |
L’étape du col derrière nous, nous soufflons et poursuivons notre route. Studer nous attend comme à l’aller, avec son calme d’après-tempête. Nous profitons de la pause pour déguster une truite du Lac Supérieur, avant de rentrer sans encombre à Port-aux-Français, le lendemain.
Cette aventure, au-delà de rendre service à la science subantarctique, aura mis en lumière une belle coopération entre différents acteurs des Kerguelen. Nous étions médecins, frigoristes, et geners, main dans la main face à un objectif commun. Si Kerguelen nous aura appris une chose, c’est que face à l’adversité du climat et du terrain, ensemble, nous allons loin.
Nicolas, Gener - Mission 74
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